
Jouer avec le vent, c’est s’assurer d’avoir plusieurs vies dans des temps très rapprochés. Il y a 48 heures, Ian Lipinski et Alberto Bona étaient debout sur le pont, mât à la verticale, voiles à peine frétillantes. Hier, et plus encore cette nuit, le Class40 Crédit Mutuel avait pris de la gîte, les marins avaient repris la bonne vieille habitude d’avoir une main pour le bateau et une main pour l’homme. Dans le grand bord au portant, poussés par ce vent d’est bien établi, Ian et Alberto sont allés chercher de belles pointes de vitesse au-delà des 17 nœuds sur la route qui les emmenaient vers la pointe sud-est de Majorque. Ils étaient à plus de 16 nœuds encore lorsqu’il leur a fallu embouquer entre les rochers de la Punta de El Toro qui faisaient office de marque de parcours : Ses Barbines au nord, El Toretó au sud.
Leaders avec moins de trois milles d’avance sur Mikael Mergui et Keni Piperol, Ian Lipinski et Alberto Bona ont entamé le contournement de la côte méridionale de Majorque avec probablement un brin d’anxiété, se demandant quelle serait l’incidence de la côte sur la circulation de l’air. Mais l’orientation du flux était telle que, de dévent, il n’y eu pas, ou peu, et le Class40 s’est même offert des séquences de vitesse au-delà des 19 nœuds tout à l’ouest, avant l’empannage qui, vers minuit, leur a permis de tendre la tête vers le nord avec, dans le viseur, Marseille et la ligne d’arrivée, à 260 milles de là.
Là, le vent a faibli sous l’influence des reliefs, et le Class40 Crédit Mutuel a été freiné. Les deux marins se sont légèrement décalés vers l’ouest pour échapper aux contreforts de l’île des Baléares et ont repris leur route, vent de travers. Dans ces opérations, Ian et Alberto ont grignoté un mille d’avance supplémentaire sur leurs premiers rivaux : les voici avec 4,5 milles d’avance. Victimes des vents faibles de la Corse, les autres concurrents sont incroyablement loin : Mathieu Claveau et Victoire Berger ont 95 milles de retard, Chris Kerl et Patrice Pou-pupp sont à 146 milles ; le cinquième équipage est à 250 milles. Tout un monde.
La suite, pour Ian et Alberto ? Il reste, ce petit matin, moins de 200 milles à parcourir dans un vent d’est sud-est dont la force oscillera entre 8 et 13 nœuds selon les prévisions rapportées sur la cartographie. Marseille et la ligne d’arrivée, c’est tout droit, ou presque, et les deux marins sont bien partis pour la couper ce vendredi.