Le bateau

Le Class40 Crédit Mutuel

Inventer, trancher, oser

« Nous avons additionné les évolutions »

Qu’est-ce qui caractérise le Class40 Crédit Mutuel ?

Ian Lipinski : « L’idée était de faire évoluer le bateau précédent en tenant compte de ses qualités, mais aussi de ses défauts. À la naissance du 158, on a créé une petite révolution au niveau de la carène, avec cette forme arrondie inspirée du scow et qui réussit à donner plus de puissance par l’avant du bateau, grâce à ses volumes et ses largeurs. Quand on construit un bateau, on ne fait qu’arbitrer des compromis : si nous gagnons sur un point, alors nous perdons sur un autre ».

Quels sont les compromis qui sont opérés pour la naissance du deuxième ?
« Le 158 avait d’énormes atouts, à commencer par sa polyvalence. On avait choisi de ne pas chercher la toute-puissance. Dans le vent fort au portant, il s’est révélé redoutable, génial, magique, mais ce n’est pas forcément dans ces conditions qu’on gagne les courses : il était le moins à l’aise, c’était dans les conditions de vent médium ».

Pour le 202, on a décidé de rogner un peu de ces qualités-là pour favoriser les conditions de medium au portant qu’on va retrouver souvent dans les alizés – ce fut le cas lors des dernières Transatlantiques. Il est plus puissant, donc plus violent. Les chocs seront plus rudes et plus fréquents. Il faudra s’y préparer ».

Très brièvement, quelles sont les évolutions, visibles et invisibles de l’extérieur ? 

« La forme de la carène a changé ; elle permet de donner plus de puissance. Elle est plus tendue dans l’axe du bateau, mais il y a plus de largeur à l’avant. Ce qu’on voit aussi, ce sont les pavois, qui protègent le cockpit. C’est peut-être à l’intérieur que nous avons développé un point inédit : l’agencement de structure, en longitudinal, qui permet de gagner en solidité, grâce aux dessins de David Raison ». 

Comment résumer le pas technologique que vous faites, avec le deuxième ? 
« Pour le premier bateau, nous avions monté une grosse marche. Pour le deuxième, nous avons additionné les évolutions, en reprenant les points forts du premier tout en prenant le meilleur de ce que nous avons pu apparaître, dans toutes les flottes ».

La carène : puissance et raideur

1 – Les formes de la carène (la partie de la coque en contact avec l’eau) du Class40 Crédit Mutuel 202 portent les marques de son évolution vers la puissance. Les volumes à l’avant ont augmenté, et la carène est plus tendue dans l’axe du bateau.

Ian Lipinski : « Cela va nous aider à accélérer un peu plus tôt et à prendre des surfs un peu plus vite. Dans ces conditions où le bateau est en semi-planning, on espère gagner de la vitesse ».

2 – Le « rocker » a été repensé. L’expression vient de l’anglais « rocker chair », la chaise à bascule. Le rocker est la valeur de la courbe devant le plat de la carène. C’est lui qui fait que, lorsque le bateau accélère, il se cabre, ce qui lui permet de mieux passer la vague.


Ian Lipinski : « Il a fallu faire un gros travail pour que ce soit plus solide sans être plus lourd, parce qu’un bateau plus puissant, plus plat et plus raide engendre des efforts énormes dans la structure ».

La structure interne : option carlingues

À l’intérieur du bateau se niche le plus gros du travail de recherche de David Raison, de Gurit, entreprise experte du calcul, et de l’équipe Crédit Mutuel. Pour faire un bateau plus solide, donc plus apte à endurer le surcroît de puissance sans alourdir le poids du bateau, les acteurs ont optimisé l’échantillonnage de la coque, du pont et des cloisons. 

L’agencement de structure intérieure est différent : le Class40 Crédit Mutuel mise sur un système de cloisons longitudinales (et pas transversales), qui courent de l’étrave au tableau arrière, et qui répartissent ainsi les efforts sur toute la longueur du bateau. 


Ian Lipinski : « C’est, je pense, une grosse évolution dans la manière de calculer la structure d’un bateau. Ces carlingues vont de l’arrière à l’avant, de la coque au plafond, tout en créant trois sections dans l’aménagement intérieur. Cela permet aussi de faire un maillage plus serré de l’ensemble des panneaux et de mieux résister aux efforts de slamming ».  


Appelé aussi tossage, le slamming est la tendance qu’un bateau dont l’étrave peut avoir à effectuer des mouvements brutaux et verticaux.

Les pavois : détourner les flux

Ces boucliers sont situés sur les flancs et positionnés de manière à casser les vagues submersives qui viennent généralement balayer le pont et éclabousser le cockpit. Ils évitent que le bateau s’alourdisse de centaines de kilos d’eau de mer, et limitent l’humidité du cockpit.


Ian Lipinski : « De la même manière que nous avons inspiré bien des projets avec notre forme scow, nous profitons aussi des évolutions de design pertinentes qu’ont faites nos rivaux ».

Les safrans : comme un air d’Imoca

L’équipe Crédit Mutuel est allée chercher du côté de la classe Imoca le bon système de relevage des safrans, un petit point faible du design en Class40 où l’on utilisait, pour le maintien latéral, des bouts qui finissaient par se détendre. L’autre atout, c’est le système de relevage de sécurité, plus abouti. Si la surcharge devient trop importante, un système de ressort fait sauter automatiquement le safran. Ce système a été dessiné par Mer Forte, le bureau d’études « Ingénierie et systèmes » créé par François Gabart. 

Le gréement : résister à la puissance

Différent de celui du 158, ce nouveau mât a deux étages de barres de flèches, afin d’avoir une meilleure tenue, notamment en latéral. A aussi été supprimée une pièce dans laquelle s’encastraient les barres de flèche et qui s’était révélée problématique. En simplifiant l’ensemble, l’équipe espère avoir gagné en fiabilité. 

Le cockpit : plus couvert 

Le cockpit est plus petit que le précédent mais, surtout, il est plus couvert. Outre la casquette, plus grande, le cockpit accueille un système qui permet de placer des bâches. Le changement de carène laisse supposer qu’il y aurait eu plus d’eau dans le cockpit.

La vie à bord : repenser le quotidien

Fruit de son expérience, la demande de Ian Lipinski de pouvoir matosser ses voiles empaquetées sur la place arrière, sans empiéter sur des éléments mécaniques. L’accès à ces derniers était pénible, et les manœuvres d’urgence potentiellement impossibles à réaliser. Cette innovation rassure le skipper et soulage ses efforts de matossage. 

Le choix des carlingues induit un changement de vision de la vie à l’intérieur. La position de veille du skipper a changé : il sera forcément positionné dans de grands interstices ménagés dans les carlingues, de part et d’autre. Pour faire sa route, il se mettra au vent. Deux écrans, à bâbord et tribord, seront reliés au même ordinateur.

Les petits plus

– Le bout-dehors est désormais orientable. Cela permet de jouer sur les angles et de gagner quelques degrés de descente dans l’axe du vent.

– Des caméras ont été placées dans le bulbe de quille, ceci afin de voir plus facilement l’état de la quille et de détecter aisément les algues qui s’y accumulent parfois.

– Des capteurs d’efforts ont été placés notamment dans les gréements.