Après quatre jours de course seulement, la tête de la flotte a déjà retrouvé les eaux de la Manche. En tête, Crédit Mutuel navigue ce matin à la longitude du Finistère, entre Lannion et Paimpol avec, droit devant, les îles anglo-normandes. Il restait donc 147 milles à parcourir, 894 ayant déjà été engloutis sur un tempo bluffant qui promet une arrivée en fin de nuit prochaine !
Ce matin encore, Crédit Mutuel pointait en tête, avec un mille d’avance sur Project Rescue Ocean d’Alex Tréhin et Frédéric Denis, et deux sur Redman d’Antoine Carpentier et Pablo Santurde del Arco. Jamais, en quatre jours de course, il n’y a eu plus de deux milles d’écart entre le premier et le deuxième. Il ne faut pas être grand mage pour deviner que ce bras de fer à trois se prolongera jusqu’à la ligne d’arrivée à Ouistreham. « Il va y avoir du match jusqu’au bout ! confirmait Gwénolé Gahinet hier soir. C’est une belle régate, impressionnante sur le rythme, avec des créneaux très petits pour dormir, il faut en profiter parce que ça ne dure pas longtemps. Il faut rester suffisamment en forme pour négocier la dernière partie ».
Ce qui est amusant avec la Class40 et le format de la Normandy Channel Race, c’est que les marins ne dorment pas plus quand les vents sont assoupis et que le tempo est lent, comme l’an dernier. A une des éditions les plus pauvres en vent va succéder une édition très rapide – Crédit Mutuel a signé le record non officiel sur la route Ouistreham-Tuskar Rock lundi –, et c’est ce qui fait la magie de la voile.
Le programme de cette dernière journée de course est le suivant : les bateaux doivent descendre pour virer sous Guernesey, avant de remonter pour contourner la pointe du Cotentin. Les grandes lignes de la météo ? A leur passage sous Guernesey, le vent orienté ouest prendra un peu de sud, ce qui condamnera les Class40 à du près dans un air léger. Une fois au nord du Cotentin, ils retrouveront de l’ouest qui les poussera jusqu’à Caen. C’est oublié ce qu’il reste à négocier : les effets de site, les aléas et le courant.
Quand Crédit Mutuel et ses poursuivants se retrouveront sous Guernesey, en début d’après-midi, le « jus » tournera en leur faveur. Il faudra être précis pour bien en profiter. Une partie de la nuit se fera le long des côtes de la pointe du Cotentin avec du vent au portant et un solide courant de face. Le dernier run, enfin, se fera vent et courant portants. Cette 12e édition fait décidément bien les choses.
Gwénolé Gahinet (mercredi soir) : «Lundi après-midi, on a tourné autour de Tuskar Rock. C’était un sacré point de passage : on a longé la plage et les pointes pour s’abriter du courant. C’était stressant car il y avait des casiers de pêcheurs. Il a fallu slalomer entre les casiers et trouver le bon tempo parce qu’il y avait des empannages à caler près de la côte. Puis nous sommes repartis vers le large pour y trouver plus de vent : à la côte, un effet brise thermique faisait mollir le vent. On a ensuite tricoté au large de la côte irlandaise. On a approché le Fastnet en pleine nuit, sous spi, assez lofé, sur un bord assez rapide. On s’est retrouvé bord à bord avec Axel Tréhin et Fred Denis qui ont fait une route plus près de la côte, et qui s’en sont bien sortis.
En arrivant au Fastnet, un gros grain a fait tomber le vent. Redman, qui était premier, en a fait les frais. Il a voulu passer au nord du DST (la zone de séparation du trafic) et le vent est tombé. Il est reparti avec le courant, et est passé dans l’ouest, comme nous. Ensuite, la traversée de la mer Celtique s’est faite sous gennaker, avec une bonne vitesse qui nous a rendus bien contents au début. Puis il a fallu contourner une petite dépression, avec une zone de vents un peu plus faibles et un virement de bord sous gennaker pour passer son centre. On s’est alors retrouvé sous gennaker tribord amures, en 2e position. On a fait le choix de mettre le spi pendant une demi-heure, ce qui nous a décalés au nord de la route. Le spi était moins rapide, on a repris le gennaker. On a été un peu déçu de ce choix : on a eu l’impression de perdre de la vitesse, mais on est parvenu à se recaler sur Project Rescue Ocean au niveau des Scilly, on a bien rattrapé le coup.
Nous avons entamé la traversée de la Manche au portant, avec du vent d’ouest – sud-ouest, dans beaucoup de courant. Il y a des empannages à caler pour arriver à Guernesey, avec des transitions de vents pas très forts. La fin sera dans cet esprit-là avec pas mal de vents faibles, il va y avoir du match ! »