
Mot du bord d’Antoine : « Hello à terre, jour 5 à bord de Crédit Mutuel sur la Globe 40. La journée n’a pas été de tout repos : on a eu un vent très instable, ce qui nous a obligés à faire de nombreux changements de voiles. Parfois, nous avons été inspirés (c’est-à-dire que nous avons bien fait de changer de voiles), parfois nous avons été à contretemps (dans ce cas, c’est assez frustrant : on dépense de l’énergie pour, au final, se retrouver moins performants que si on n’avait rien fait). C’est ainsi. La nuit est plutôt paisible. Avec Ian, on s’est dit qu’on allait un peu se calmer sur les changements de voiles. Du coup, on est sous gennak et grand-voile haute, et on adapte nos réglages et notre angle de navigation autour de ce jeu de voiles. Les routages nous font arriver pour l’anniversaire de Ian au Cap-Vert. Pourvu que l’on garde le leadership ! Ça devrait finir dans la molle, on verra bien. En tout cas, on a hâte d’y être : au Cap-Vert, pour une fois dans ma carrière, je vais m’arrêter dans ces îles. J’ai dû y passer quatre ou cinq fois sans jamais m’arrêter. La nuit est cool, la mer est relativement calme, le bateau file sans forcer, c’est agréable ! Il fait relativement bon, même si on supporte à peine un tee-shirt. Je retourne sur le pont, le vent monte un peu, il faut ajuster les réglages. À très vite »
Mot du bord de Ian : « C’est mon quart ! Je lis le mot d’Antoine, et je trouve qu’une nouvelle fois, il écrit juste ! De mon côté, je n’ai pas été très bavard en « mot du bord ». Mais cette nuit, je profite de ce moment de navigation hyper chouette pour écrire quelques mots. Je suis assis sur un siège en mousse pliable, une trouvaille vue juste avant de partir de Lorient, sur le bateau de Jonas (Currium). Ça n’a pas été facile d’en trouver un avant le départ, mais on a réussi, et me voilà fort bien installé dessus, juste à l’entrée du bateau. Il se plie en quatre parties avec un petit système qui maintient les angles entre chaque partie. Ainsi, je suis assis sur un fauteuil qui compense un peu la gîte, qui me soutient le dos et me cale la tête… le luxe ! Comme le disait Antoine, après une journée dans un vent assez instable, nous voilà dans un vent beaucoup plus constant, avec un angle parfait pour filer vite vers le Cap-Vert. On dispose d’une avance assez confortable, ce qui nous permet de réguler un peu la vitesse du bateau, et surtout d’essayer de trouver un bon compromis entre vitesse et efforts sur le gréement, les voiles et la structure. Rien n’est fini bien sûr pour cette étape, mais disons qu’on a le confort de lever un tout petit peu le pied, tout en surveillant dans le rétro. Ça n’a pas été simple de constituer cette avance. Avant Madère, les Allemands allaient très vite, comme on s’y attendait dans les conditions d’alors. Surtout, ils réussissaient à faire glisser leur plan Verdier, qui excelle dans ces situations et permet de grappiller de précieux degrés dans l’axe du vent. Quand on tire des bords au portant, c’est sacrément efficace. Nous, avec notre bateau très puissant, on est contraints de choisir un compromis plus rapide en faisant un peu plus de route. Idem pour Currium, le bateau des Belges. En arrivant un peu avant Madère, c’est là qu’on a pris la meilleure décision de l’étape. À force de scruter les fichiers météo et leurs évolutions à chaque mise à jour, on trouvait que la zone de molle au sud des Canaries devait être contournée par l’est. Il nous a semblé pertinent d’empanner plus tôt que les autres, quitte à moins aller chercher la courbure anticyclonique (et donc la rotation favorable du vent), pour plonger plus vite vers le sud. Nous avons choisi d’ajuster la trajectoire pour passer à l’est de Gran Canaria. C’était sans doute un passage plus compliqué car moins venté que dans l’ouest de l’île, mais cela permettait de tenir cette position qui nous semblait judicieuse, dans l’est de la zone de navigation, en se rapprochant ensuite le plus possible des côtes marocaines. Finalement, le passage dans les îles s’est fait sans trop de molle, et nous avons pu exploiter à merveille le vent qui s’enroulait au sud de Gran Canaria. Là, le vent est monté assez fort rapidement, et il a fallu changer de toile sans traîner ! S’en est suivi un super bord vers le sud, à fond les ballons, mais avec pas mal de mer, et donc le stress qui va avec. Ça secouait fort ! Et nous voilà le lendemain exactement dans la position que l’on souhaitait 36 heures plus tôt. Ce n’est pas tous les jours que ça marche comme prévu, alors là, c’était un bon moment à savourer. Il fallait encore que les prévisions se confirment en partie pour que notre positionnement se convertisse en milles gagnés. Et c’est ce qui s’est fait petit à petit dans les heures suivantes, puis un peu plus encore. Au dernier pointage, nous avons plus de 60 milles d’avance… bien joué ! Sinon, avec Antoine, on continue d’apprendre à faire marcher ce bateau. Il est très différent du précédent, mais on apprécie de plus en plus de le comprendre et de naviguer avec. On apprend aussi à utiliser notre jeu de voiles : c’est toujours passionnant. De plus, avec le travail fourni par Pic, Rémi et Camille, le bateau est super bien préparé. Tout est pensé jusque dans le détail, et c’est un plaisir de vivre à bord. Car dans des conditions de course, tout peut être assez compliqué à faire ; un bateau bien pensé et bien préparé rend la vie tellement plus facile ! Et en plus, assis sur un super siège pliable ! Bonne fin de nuit »
Globe40